Le Duo Eckerle vers une intégrale des arrangements des partitions de Schumann
En 2006, le couple Mariko, originaire d’Osaka, et Volker Eckerle, né à Karlsruhe, fonde le Duo Eckerle. Il se consacre depuis lors à la redécouverte de partitions peu connues ou oubliées du répertoire à quatre mains. Il s’efforce en même temps de donner un caractère pédagogique à ses concerts, en s’adressant aux familles et aux enfants. Dès 2009, le duo enregistre pour le label Naxos un CD de valses de Wolfgang Rihm, Max Reger et Sigfrid Karg-Elert ; bientôt, des œuvres de Dvorak suivront. Les Eckerle se produisent dans des festivals, notamment en Allemagne et au Japon où ils sont des invités réguliers. Toujours pour Naxos, ce duo a entrepris un vaste projet qui devrait en bout de course compter sept albums, consacrés aux arrangements d’œuvres de Schumann, effectués par lui-même ou par des proches. Ce projet est dû à l’initiative du chercheur, pédagogue et pianiste Joachim Draheim, couronné en 2003 du Prix Robert Schumann par la ville de Zwickau, qui signe les notices des CD. Celui qui est aujourd’hui proposé est déjà le n° 5 de la série. Les deux premiers comprenaient de la musique de chambre transposée : Quatuors opus 41 et Quintette op. 44, dans des arrangements d’Otto Dressel ou de Clara Schumann. A partir du n° 3, les œuvres orchestrales sont apparues : la Symphonie n° 3 et l’ouverture Manfred, dans la révision du compositeur et chef d’orchestre Carl Reinecke (1824-1910), un proche de Schumann, qui supervisa le travail, ainsi que l’ouverture Hermann et Dorothée par Robert lui-même et celle des Scènes de Faust par Woldemar Bargiel (1828-1897), dont la mère avait épousé en premières noces le père de Clara. Le quatrième volet de la série se compose de la Symphonie n° 2, arrangée par Clara et Robert, de l’ouverture de Genoveva, due à Robert Pfretzchner (1821-1882), élève de Schumann au Conservatoire de Leipzig qui avait la confiance de son professeur, de l’ouverture Jules César, par Bargiel déjà mentionné, et du Konzertstück pour 4 cors et orchestre, dont l’arrangeur n’est pas identifié. L’intégrale des symphonies est complète avec ce cinquième volet qui propose les Première et Quatrième. Schumann a écrit peu de partitions destinées aux quatre mains : on connaît des pages de jeunesse, les Huit Polonaises de 1828 ou, vingt ans plus tard, l’opus 66, les six Impromptus intitulés Bilder aus Osten, inspirés par la lecture du poète arabe Hariri dans la traduction allemande de Friedrich Rückert, qui retiennent l’attention par leur caractère lyrique et passionné. Est-il bien utile d’en connaître plus, et surtout, de découvrir des arrangements de partitions pour musique de chambre ou pour orchestre qui bénéficient de nombreuses versions de qualité dans leurs domaines respectifs ? Une réponse négative correspondrait à faire peu de cas des pratiques courantes de l’époque, ces prestations « de salon » étant souvent le seul moyen pour toute une partie des amateurs de musique de connaître les créations de leurs contemporains. Mais ce serait surtout nier l’intérêt que Schumann lui-même a accordé à ces arrangements, faits par lui-même ou avec la collaboration de son épouse, ou par des proches de confiance auxquels il donnait ainsi caution. La publication de l’arrangement de la Symphonie n° 1 date de 1842 ; Clara et Robert Schumann la décidèrent en raison du succès que la première orchestrale du 31 mars 1841, sous la direction de Mendelssohn, avait provoqué. Quant à la Quatrième, composée en 1841, mais remaniée en 1851, c’est Robert seul qui se chargea du travail pour quatre mains, qui fut publié en 1853, après qu’il ait dirigé la première de la symphonie à Düsseldorf le 3 mars. Le Duo Eckerle plonge avec délices dans cette texture quasi orchestrale qu’il maîtrise avec brio, sans surenchère, mais sans en négliger les aspects brillants. Cet ensemble de CD devrait plaire aux amateurs de Schumann et de son art du piano dont l’on découvre ici d’autres facettes. Les couleurs, le rythme, la fièvre et l’éclat n’en sont pas absents, et l’on se met alors à rêver avec bienveillance et une pointe de nostalgie à ces séances du XIXe siècle au cours desquelles les mélomanes du temps découvraient, grâce au piano, les partitions d’un génie.